Quels arguments faut-il utiliser pour vous convaincre de
lire cet ouvrage ?
Alessandro Baricco est un
écrivain qui raconte des histoires captivantes mais surtout, il utilise un
langage simple, court, léger, efficace et d’un charme si subtil que je n’ai
encore jamais rencontré quelqu’un qui m’ait dit ne pas aimer ces livres. Ceux d’entre
vous qui ont lu son petit roman Soie en savent quelque chose.
Dans Les Barbares, l’humour
et la bienveillance avec lesquels l’auteur nous fait suivre ses réflexions ne
peuvent que vous séduire.
Son analyse de la mutation à
laquelle nous sommes confrontés n’est jamais pessimiste. Je la trouve même
particulièrement « soulageante », si ce n’est revigorante. Ce qui est
bienvenu dans l’atmosphère mortifère enveloppant habituellement le thème du
changement de civilisation.
Impossible de résumer un tel ouvrage
car c’est avant tout son style qui fait son charme. Voici quelques exemples du basculement auquel on assiste: la profondeur est remplacée par la surface, le progrès par la différence ou le pas de côté, l’effort, par la
vitesse. Avant, les valeurs étaient à rechercher dans les origines, l’authentique (avec leurs risques : nationalisme par
exemple), alors qu'aujourd'hui on les trouve dans le spectaculaire
(avec ses risques : le tout et n’importe quoi commercial par exemple), etc. Difficile, le choix d’une citation. J’ai choisi deux
comparaisons : celle avec la révolution de l’imprimerie, et celle qui
concerne la notion du savoir.
« Je sais, il y a une objection de taille : ce qui se trouve sur la
Toile, si énorme celle-ci soit-elle, n’est pas le savoir. En tout cas, pas tout
le savoir. Bien qu’elle corresponde souvent à une certaine incapacité à se
servir de Google, cette objection est sensée. Mais ne vous faites pas
d’illusions. Pensez-vous que ce ne fut pas la même chose pour l’imprimerie et
Gutenberg ? Vous représentez-vous les tonnes de culture orale, irrationnelle,
ésotérique qu’aucun livre imprimé n’a jamais pu contenir ? Y pensez-vous, à
tout ce qui a été perdu parce que ça n’entrait pas dans les livres ? Ou à tout
ce qu’on a dû simplifier, voire dégrader, pour réussir à en faire de
l’écriture, du texte, un livre ?
...
Mais Alessandro Baricco n’est pas
un naïf qui nage dans un océan
d’optimisme sans écueils et sans limites. En écrivant cet essai, il veut nous
montrer que la mutation est inéluctable et qu’elle comporte des risques. C’est
pourquoi, au lieu d'accorder presque tous les moyens éducatifs, culturels et
financiers pour faire durer l’agonie d’une civilisation qui se meurt, il faut
les consacrer à accompagner le plus intelligemment possible celle qui vient de
naître.