mardi 28 février 2017

En visionnant Arno sur Youtube

Le Moléson joue à cache-cache

 Comme je passe beaucoup de temps sur Youtube, autant que je me mette à écrire au fur et à mesure ce que ces visionnements m’inspirent.


En fait, c’est paradoxalement en écoutant une interview de l’écrivain Jean-Louis Fournier à la radio que l’idée m’est venue. En cours d’émission, j’ai découvert une chanson qui m’a beaucoup plu  Quelqu’un a touché ma femme chantée par Arno. Alors je suis allée visionner des vidéos d’Arno sur YouTube et  des souvenirs et des réflexions me sont venues spontanément.

Tout d’abord en faisant défiler les différentes vignettes de vidéo on voit le chanteur encore beau et jeune puis moins jeune mais surtout abimé. Et je me demande s’il s’agit simplement de la dérive d’un personnage qui s’est donné un certain genre au départ. Ou alors, il était peut-être déjà dépendant de certaines substances et les abus continuels ont abouti à ce résultat. Piégé par son image ou piégé par le vide ?

Et puis, dans la deuxième partie de la chanson Quelqu’un a touché ma femme on entend un air, joué par je ne sais quel instrument, qui me rappelle un film vu au FIFF à Fribourg en 2015, Before Tomorrow de Madeline Ivalu et Marie-Hélène Cousineau (l’histoire poignante d’un petit garçon Inuit et de sa grand-mère abandonnés seuls sur une île vers la fin du XIXe s. dans le nord canadien) dont la bande-son comportait Why Must We Die chanté par les sœurs Kate et Anna McGarrigle. L’air entendu dans la chanson d’Arno est similaire au murmure des chanteuses à la fin de la chanson.

Quand on choisit le titre Voir un ami pleurer – chanson absolument bouleversante, encore plus bouleversante chantée par Arno que chantée par Jacques Brel, l’écran nous présente juste une photo couleur du chanteur. Un portrait absolument magnifique. De face, avec une telle tristesse dans le regard capturé et un sourire… dérisoire. Ce regard et ce sourire presque esquissé et cette voix, c’est comme quand on frôle par inadvertance, l’endroit où l’on s’est fait une dermabrasion : instant fugace et douleur intense.

Au visionnement de l’enregistrement live des Filles du bord de mer par Arno, sur un écran au fond de la scène, on voit un film en noir et blanc avec deux fillettes qui jouent sur une plage et à un moment donné elles se font face, se tiennent par leurs mains tendues et tournent très vite autour de l’axe formé par leurs pieds piétinant frénétiquement. Puis elles se lâchent et tombent entrainées par le vertige.


Et je me souviens de ce moment-là avec Thérèse et je ressens comme intégralement le plaisir que je ressentais alors. L’insouciance, la confiance, mon corps fendant l’air, la jupe plaquée sur le devant des cuisses  et claquant derrière comme une voile sous le vent. Nos cheveux longs  décoiffés et nos rires… tellement sérieux.

dimanche 26 février 2017

De la nécessité, de l’habitude, du jeu

La nécessité serait à la base de toute activité créatrice, c’est le philosophe Gilles Deleuze qui le dit. Activité créatrice dans n’importe quel domaine oui. Mais dans le domaine de l’art. qui répond à une nécessité ? Et quelle nécessité ? « Nécessité intérieure » sera la réponse la plus fréquente.  La création artistique serait donc un privilège accordé à quelques élus, élu car égal à Dieu et  adoré  comme tel. Soit elle est accessible à chacun. Or ce qui distingue les deux ce n’est pas le départ, ce n’est pas la source, c’est le parcours.

Au départ il y a le désir, l’envie (la graine) et des moyens qui y correspondent grâce à un environnement familial et culturel (le terreau) qui oriente vers tels outils plutôt que tels autres. Et puis il y a l’habitude, la répétition, le travail diront certains (le temps de la croissance) et enfin pour quelques uns le jeu (le temps de la récolte).

Pour Charlotte qui fait de la danse classique deux fois par semaine et qui le fait depuis plus de vingt ans, c’est à la fois une nécessité et une habitude et finalement quelque chose qui s’apparente au jeu dans le sens qu’en donne l’écrivain Henry de Montherlant : « J’appelle « jeu » une activité ayant sa fin dans le plaisir qu’on en éprouve et nulle part ailleurs, un effort qui a sa vertu propre, indépendante de la direction dans laquelle on l’exerce et de son succès. Le jeu est la seule forme d’action dont les buts en apparence les plus décevants qui soient, ne puissent être décevants, la seule forme d’action qui soit défendable, la seule qui soit digne de l’homme parce qu’intelligente et instinctive à la fois. La seule, en un mot, qui doit être prise au sérieux. »

En réponse à une de mes lettres lui disant que je regrette de n’avoir pas fait une école de traductrice car j’aime beaucoup cette activité, mon correspondant écrivain m’avait écrit : « On n’apprend pas à traduire, on traduit. On n’apprend pas à écrire, on écrit. »  . Une évidence… pour lui qui écrit et traduit depuis plus de cinquante ans !  Pour lui aussi c’est une nécessité, une habitude, un jeu.


De Riad Sattouf à Imre Kertész, mes lectures de la semaine dernière
Il est très long le chemin qui conduit au jeu. Il est difficile de ne pas  retourner sur ses pas et tout aussi difficile de marcher sans but autre que celui de marcher.

mercredi 22 février 2017

A couvert - à découvert

Par les algues protégé des prédateurs, entravé dans ses mouvements

 Question 1

En déplacement au Moyen-Orient, telle personnalité féminine bien connue a refusé ou au contraire, a accepté de porter le voile.

Et je me demande si la violence subie par la femme lorsqu’on exige d’elle de ne pas porter le voile dans l’espace public dans certaines régions d’Europe peut être comparée à la violence subie par la femme lorsqu’on exige d’elle de le porter dans certains pays là-bas.

Question 2

Dans le journal La Liberté d’aujourd’hui je lis qu’Amnesty International dénonce le renvoi forcé vers l’Italie par la Suisse de milliers de demandeurs d’asile dont beaucoup de mineurs non accompagnés.

Si l’on considère le devoir d’assistance que nous devons aux personnes en danger provenant de pays en conflit, le respect des conventions internationales que nous avons signées et de la nécessité de palier au déficit de natalité de notre pays, je me demande pourquoi l’on ne finance pas l’accueil des migrants et leur intégration avec l’argent qui est dépensé à éviter leur arrivée chez nous.

Question 3

Et l’on ne pourra pas dire que « l’on ne savait pas ».
Alors faudra-t-il les dédommager demain ou après-demain ?

« La roue tourne » disait ma grand-mère en parlant du destin.

Hier les migrants c’étaient nous, Aujourd’hui ce sont eux. Demain ?

lundi 20 février 2017

La fumeuse de pipe

La fumeuse de pipe
« … on est obligé de s’arrêter » c’est ce que m’a dit la vendeuse dans le magasin de tabac en face de chez moi.  A l’âge de la transparence, de la patience et de la transcendance, pour moi qui n’ai jamais fumé de ma vie, il est arrivé le moment d’apprendre, le moment d’apprendre à prendre le temps.

D’Afrique, de Chine ou de Bretagne, elles m’ont montré l’exemple posant pour la photo avec leur pipe à long tuyau. J’en ai choisi une qui ressemble à la leur, en bois noir, à long tuyau chutant élégamment vers un petit foyer. Un tabac  très subtilement parfumé à la myrtille, un bourre-pipe métallique, un sachet de longs cure-pipes et me voilà servie.  Quelques tutoriels plus tard, je crois être à l’aise avec le bourrage en trois temps et l’allumage peu fréquent.

Discrètement, seule sur mon balcon, je commence mon apprentissage. C’est plus compliqué que je ne pensais : à peine allumée elle s’éteint. Alors je retourne sur les tutoriels Youtube et je crois voir d’où vient la difficulté. Mon tabac fraichement acheté et placé dans un sachet plastique hermétiquement fermé, est trop humide. J’en étale quelques pincées sur un papier ménage et deux heures plus tard, je réessaie. Ça va beaucoup mieux.  Les premières fois, c’étaient dix allumages successifs pour une pipée de 40 min. environ.  Jour après jour je gagnais sur les allumettes et au bout de deux à trois semaines de pipée journalière, j’ai atteint la vitesse de croisière de deux ou trois allumages maximum. Mais il faut être concentrée, ne pas oublier de tirer … Il n’y a guère que la lecture – et encore – qui puisse accompagner ce moment de grâce où l’on s’envole dans les volutes odorantes.
Le léger picotement provoqué par la fumée réveille brièvement ma muqueuse buccale et des images de cancer de la langue !

Ce moment passé seule en compagnie de ma pipe me réveille de ma torpeur d’après repas et je repars, complètement requinquée,  dans ma frénésie d’activités !
T’inquiète mon enfant … elle est loin la dépendance car fumer la pipe demande d’avoir du temps devant soi. On n’en allume pas une pour quelques minutes.

lundi 13 février 2017

Marée vide

Atlantique fossiles
Quand je me promène à marée basse sur la plage, j’ai l’impression que la mer est morte, ou vide comme les coquillages qu’elle dépose sur le sable.
Dans les flaques, entre les rochers à découvert, je cherche en vain un mollusque ou un petit crabe pris au piège.  N’y a-t-il plus que des fossiles prisonniers de la roche ?

Devant moi les vestiges des écluses à poissons que les anciens avaient fabriquées avec ces mêmes pierres. Et je repense à une photo du petit musée de Perrenporth.
Une photo prise à la fin XIXe début XXe, je ne me souviens plus. Elle nous montre la pêche « miraculeuse »  d’innombrables poissons pris au piège au sommet de Chapel Rock, le rocher en face du parking de cette petite ville de Cornouailles et au sommet duquel les enfants jouent comme dans une piscine naturelle, en été.

- Mesdames les bernaches caqueteuses, laissez quelques vermisseaux aux tournepierres endimanchés qui reviendront peut-être à l’hiver prochain !

-       -  Petite vacancière au ciré rouge, demain, troque ton épuisette verte contre un cerf-volant !


Le soleil fait miroiter le grand linceul bleu et le vent soulève sa dentelle d’écume.