Chemin de Compostelle: Ste Apolline FR Suisse |
"Le culte des morts est une pratique religieuse très ancienne et
quasi universelle, laquelle, à l’origine, consistait à honorer les morts de la
famille ou des ancêtres plus ou moins légendaires, mais aussi à se protéger
d’eux, à les consulter ou à leur demander de l’aide. Le culte des morts suppose
la croyance en une forme de permanence de l’être après la mort. Les rituels
funéraires, apparus il y a environ 100 000 ans, sont d’ailleurs considérés
comme les premiers témoignages du sentiment religieux."
http://junior.universalis.fr/encyclopedie/culte-des-morts/ le 17.05.2017 à 11 :50
Vous connaissez peut-être quelqu’un
qui se rend encore régulièrement au cimetière pour se recueillir sur une tombe. « Encore » car cette
pratique tend à disparaître et j’y pense beaucoup quand je me rends sur la
tombe de mes parents.
J’aime beaucoup cette promenade
d’une heure (ou deux si je rentre à pied aussi) car, entre mon domicile de Fribourg
et Matran, je marche dans les pas des pèlerins de Saint Jacques de Compostelle. Avant hier le chant des
oiseaux et le murmure de la rivière recouvraient le bruit de la route au loin.
L’aspérule odorante embaumait le sous-bois et la senteur sucrée du colza en
fleurs donnait à mon chemin son suave parfum.
J’aime marcher en fin de journée.
Peu importe le temps qu’il fait, j’ai envie de sortir prendre l’air après des
heures d’enfermement plus ou moins fructueux, pour mettre en marche les
roulements à billes de ma pensée. En réfléchissant au titre que j’allais donner
à cet article, une formule parasitait mon esprit : « J’irai cracher
sur vos tombes », le titre du livre écrit par Boris Vian. Sauf que moi, je
ne vais pas cracher sur la tombe de mes parents. Bien au contraire, c’est une
visite remplie de tendresse que je leur rends. Un sentiment que je ne leur ai
pas suffisamment témoigné pendant leur vie.
C’est un culte des morts non pas
religieux mais affectueux que je peux leur adresser aujourd’hui. Car, depuis leur départ, mes jours ont peu à peu déposé sur eux le terreau fertile qui produit les fleurs
et fruits du souvenir, enfouissant à jamais cailloux et mauvaises herbes.
Le culte des morts, une pratique en déclin
Il y a plusieurs explications à
la disparition progressive du culte des morts au XXIe s.
- Le
manque de temps par sollicitation extrême de notre environnement résultant de nos multiples connexions aux
divers moyens de communication et d’informations. Ceci s’ajoutant aux pressantes
demandes professionnelles, familiales et sociales. Et, dans cette intensité du présent le futur apparaît si inquiétant qu’on s’y prépare avec frénésie dans
l’illusion d'avoir prise sur tout et de pouvoir se prémunir contre tout. Sachant bien, pourtant, que rien
n’est plus imprévisible que « demain ».
- Le
manque d’un lieu attribué à un défunt en particulier à l’heure où le « columbarium » ou autre « jardin
du souvenir » anonymise la sépulture. Et la dispersion des cendres
participe de ce même phénomène.
- La
transformation des croyances et des rites. La croyance en une forme de
permanence de l’être après la vie,
quand elle persiste, prend d’autres formes que celles qui avaient cours par le passé.
Et l’on éprouve de moins en moins le besoin de demander de l’aide à nos
défunts et encore moins le besoin de s’en protéger.
J’aime aller sur la tombe de mes
parents, leur dernière demeure terrestre. Certes elle n’est pas esthétiquement
remarquable, mais c’est celle qu’avait choisie mon père pour ma mère d’abord et
pour lui quand viendrait l’heure. Elle se situe en plein soleil, au pied du mur
de la magnifique église du village, dans le cimetière qui est leur dernier
village terrestre, là où ils ne seront jamais seuls. D’ailleurs, vous avez tous à l’esprit les nombreux cimetières visités un peu
partout mais toujours dans des endroits de toute beauté. Jamais désertés, des
lieux paisibles, fleuris en permanence.
J’aime aller sur la tombe de mes
parents avec mes petits-enfants. Les deux petits, assis sur le monument, les
questions pleuvent alors que je plante mes oignons de tulipe. « Pourquoi
ils sont morts ? Pourquoi on les a mis dans la terre ? Ils sont
où maintenant ? Et toi, tu vas bientôt mourir ? Pourquoi on leur
apporte des fleurs ? … »
J’aime à penser que mon corps sera
enterré dans une tombe qui sera ma dernière demeure terrestre dans mon dernier
village terrestre. Et que même si personne n’y vient jamais, les papillons et
les oiseaux y viendront, sachant qu’en dessous, leur vol coloré et leurs chants
incessants seront éternellement appréciés.