Marguerite Yourcenar |
Hier soir, en me basant sur une
photo noir/blanc dans Google Image, j’ai dessiné, au porte-mine, ce portrait de
Marguerite Yourcenar. La plupart du temps, je décide de faire une esquisse au
crayon pour pouvoir ensuite la colorer. Si je procède ainsi c’est pour pallier à
mon manque d’assurance dans l’utilisation de la couleur directement sur la
feuille.
Après avoir coloré mes esquisses,
elles ne me plaisent plus du tout. Je trouve ça ringard au possible. Le travail
de la couleur est fastidieux et le résultat plus que décevant. La spontanéité,
la fraicheur de l’esquisse n’y est plus et le support papier ou toile fait
vieillot. C’est en lisant une présentation de la jeune artiste zurichoise
Louisa Gagliardi dans le magazine Beaux-Arts, que j’ai compris pourquoi.
… la peinture, toute peinture, une fois le jour levé, une fois l’écran
(du smartphone, de l’ordinateur, de la télé) allumé, prend un coup de
vieux. » Beaux-Arts
Magazine No 396. Juin 2017
Même si cette artiste fait une première
esquisse au crayon, elle la travaille ensuite avec le logiciel Photoshop. Puis
elle l’imprime et la recouvre de vernis qui ne proviennent pas du tout du domaine de la peinture, comme le vinyle
par exemple.
Hugo de Matran a senti et pris ce
tournant de l’histoire de l’art il y a déjà quelques années et l’a montré avec
son exposition « Danse funèbre » (tableaux conçus sur son ordinateur).
Si son exposition n’a suscité que trop peu d’échos c’est probablement que c’était
trop tôt, il était trop en avance. Et il ne provenait pas, comme Louisa Gagliardi, du monde du
graphisme, milieu naturel des utilisateurs du numérique. Le thème et ses
figures m’ont beaucoup touchée alors mais la technique m’avait paru extrêmement
complexe. Ce n’est qu’au moment où j’ai expérimenté le dessin directement sur
mon smartphone ou ma tablette que j’y ai découvert de l’intérêt, une
possibilité de création intéressante et très spontanée.
Spontanée pour ce qui concerne
l’esquisse, mais tout aussi difficile et lente à apprivoiser que n’importe
quelle technique manuelle (aquarelle, huile, tempéra, etc.) pour l’utilisation
des « pinceaux » et de la couleur.
Pour en revenir à la question
« A quoi ça sert de mettre de la couleur ? », je regarde autour
de moi, m’imaginant le tout en noir et blanc dans un camaïeu de gris, d’ombres
et de lumières plus ou moins intenses. Oubliés le vert de vessie du mimosa, les
branches ocre-rouge du pin, le bleu de l’étendage à linge, la gorge rouge-orangé du
rouge-gorge, le bec jaune du merle, le « mille fleurs » du bord des
chemins de juin, l’indigo du ciel d’orage et mon sac rouge d’Argentine… Et je
revois la beauté des femmes indiennes et africaines croisées dans mes voyages.
Cette envie suscitée par l’éclat, la flamboyance des tissus qu’elles portent au
quotidien. Tout était si vivant, bouillonnant par rapport à mon environnement
habituel en Europe.
A quoi ça sert de mettre de la
couleur ? A mettre de la vie, tout simplement, la vie avec ses beautés et ses
drames, ses tâtonnements, ses réussites et ses échecs.
Un univers sans couleur a la
richesse de tous les possibles, mais c’est un monde condamné à rester dans les
limbes. Une esquisse ça a la beauté et la puissance du désir, du désir qui n’a
pas encore pris le risque de l’accomplissement, le risque de la vie.
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