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Coup de froid sur l'étang |
La fourmi qui s’en alla pour
apprendre
Il était une fois une petite
fourmi. Une fourmi exactement comme toutes les autres, qui avait fini sa
journée de travail.
- - Que
vais-je faire jusqu’à la nuit ? se dit-elle. Me reposer en buvant du thé
tout en mangeant des biscuits ? Lire un roman ?
Et si j’allais
visiter les autres fourmis, mes cousines ? J’aimerais embellir ma fourmilière, j’ai envie de voir
comment elles s’y prennent.
Elle prit son sac à dos après y
avoir mis un mètre, un crayon, un petit carnet et un parapluie. Elle sortit de son domaine : une
roseraie au cœur de la ville. Elle laissa les
chemins de bitume et arriva bientôt à l’entrée d’un jardin potager. Elle
aperçut une de ses cousines derrière un grand tas de légumes, et s’en approcha.
- - Hello,
ma cousine ! Il est magnifique ton jardin ! On peut dire que tu as la
main verte : que de fruits, que de légumes. Quelle abondance ! Mais quel entassement : il y a
les pourris, il y a les pas encore mûrs, il y a les trop mûrs et dispersés,
par-ci par-là, les meilleurs. Oh ! comme j’aimerais en avoir des comme ça…
Peux-tu m’apprendre comment on les cultive ?
- - Alors
tu vois, j’ai toujours été si occupée à y travailler que je n’ai jamais eu le
temps ni la force de les trier et personne pour m’aider. Et puis, on ne sait
jamais ce qui peut nous arriver dans la vie. Au milieu de tout cela, je suis
sûre de ne manquer de rien. Et ça coupe le vent. Bien sûr que ça fait beaucoup,
mais quoi enlever ? Où commencer ? Regarde ici dessus, je viens de
semer une nouvelle ligne de carottes, et là en bas j’ai repiqué des fraises.
Approche-toi un peu. Pourquoi ne m’aiderais-tu pas ?
L’apprentie fourmi s’avança entre
deux entassements et la voilà qui se retrouve « les quatre fers en
l’air » après avoir glissé sur une patate pourrie.
- - Oh
ma pauvre ! Fais attention. Tu sais ici, c’est pas comme ça qu’on avance.
Je suis une artiste moi. Et chez les artistes, cette organisation qui semble
chaotique aux non initiés, mais c’est là le terreau de la création ! T’as
rien compris !
- - Alors
excuse-moi pour le dérangement. Je te quitte car je vois qu’il n’y a pas de
place pour deux chez toi... et bientôt plus pour toi non plus.
Et la petite fourmi repris son
chemin. Elle s’en alla d’abord nettoyer ses pattes et son derrière dans la
gouille la plus proche. Puis elle traversa un pré fleuri de bleu et, après
avoir contourné le champ de colza parfumé de jaune, elle pénétra dans la magnifique forêt. Et là,
au milieu d’une clairière, elle
entrevit une de ses cousines qui s’agitait dans tous les sens.
- - Hello
ma cousine ! Elle est à toi cette belle forêt ?
- - Ouiiii…
On la voit de loin, n’est-ce pas ? Elle est très connue tu sais. J’y travaille depuis longtemps.
- - Il
y en a des arbres ! et de toutes tailles ! Et ces fougères partout !
Mais ces amas de ronces qui pourraient bientôt envahir tout l’espace, c’est à
dessein ? Oh ! ces essences rares, elles sont bien cachées. Tu
arrives à faire pousser ça ? Ici ? Peux-tu m’apprendre comment on les
cultive ?
La cousine, chargée de branchages,
tenta de se faufiler entre cet enchevêtrement de branches cassées, ronces,
lianes, oiseaux de paradis, héliconies, roses de porcelaine et autres
frangipaniers. Retenue par sa jupe accrochée dans les mûriers sauvages, elle recula en invitant
l’apprentie fourmi à s’approcher d’elle.
- - Est-ce
que tu as de quoi tailler un tout petit tunnel pour que l’on puisse se
rejoindre ? demanda celle-ci en trébuchant sur une souche pointue qui lui
lacéra la cheville gauche.
- - Oh
ma pauvre ! Fais attention. . Je ne peux rien enlever à tout ça. Comment
peux-tu t’imaginer que je puisse tailler quelque chose ici ! Tout ce qui
est là est à moi. Ça m’appartient. C’est ma vie ! C’est ma part d’héritage
familial, c’est mes formations, c’est mon expérience. Tailler ce serait déjà mourir un peu. Mais
attends, ramasse déjà tout ce qu’il y a ici tout autour et pendant ce
temps je vais faire quelques aménagements.
Alors l’apprentie fourmi se mit
au travail et se réjouit de pouvoir bientôt s’approcher des beautés du lieu.
Mais quand elle leva les yeux de son ouvrage, elle ne vit plus sa cousine.
Celle-ci avait fait des entassements de branchages, de fleurs fanées, de
feuilles mortes, mais aussi de fleurs dans tout leur éclat. Des entassements si
hauts qu’on ne la voyait plus. L’apprentie fourmi tenta de regarder au travers
de la végétation mais, ce faisant, elle faillit faire s’écrouler l’édifice.
- Ah non,
fais attention ! Tu sais ici, c’est pas comme ça qu’on avance. Je suis une
artiste moi. Et chez les artistes, cette organisation qui semble chaotique aux
non initiés, mais c’est là le terreau de la création ! T’as rien
compris !
- - Alors
excuse-moi pour le dérangement. Je te quitte car je vois qu’il n’y a pas de place
pour deux chez toi... et bientôt plus pour toi non plus.
C’était la tombée de la nuit
maintenant. A l’orée de la forêt l’apprentie fourmi s’empara d’une feuille de
plantain et la fixa sur sa cheville blessée. Elle prit la direction de sa
fourmilière. En cheminant elle cueillit quelques lotiers des prés au bord du
chemin, en fit une guirlande qu’elle suspendit sur sa porte en rentrant chez
elle. Dans son sac à dos, avec son mètre, son crayon, son petit carnet et son parapluie, sa découverte: que son avoir le plus précieux était: la légèreté et la liberté. A
l’intérieur de la fourmilière, elles étaient toutes là. Dans le grand espace
vide, au centre de la maison elles dansaient, enivrées du parfum de bois de rose L’ESSENTIEL.